• MANIFESTE POLITIQUE pour un Collectif Auvergne-Rhône-Alpes des Luttes des Peuples (CARALP)

    Nous annonçons donc, ce jour de juin 2019, dans un contexte marqué depuis plus de 6 mois par un extraordinaire et fascinant, autant qu'inattendu, RÉVEIL DES PEUPLES, la fondation au centre même de la nouvelle région technocratique Auvergne-Rhône-Alpes d'un COLLECTIF décidé à assumer et coordonner les Luttes de Libération des Peuples de ce grand centre-est de l'Hexagone ; assumer cette situation révolutionnaire et la nécessité historique du moment.

    Ses constats de base, et les objectifs qu'il poursuit sont les suivants :

    1°/ Le capitalisme est un modèle de société moribond et partout condamné, à court terme, sous peine de revivre puissance 10 les horreurs des deux guerres mondiales et de la crise de 1929, voire, de conduire la planète à la 6e extinction de masse.

    Mais de tous les États capitalistes ("développés", du moins), l’État français est peut-être l'un de ceux qui même d'un point de vue capitaliste fonctionne le plus mal ! Son seul atout est son modèle social, arraché par les luttes syndicales et (surtout) par le peuple en armes de 1944-45 (avec le rôle central du savoyard, fils d'ouvriers et ouvrier lui-même à l'âge de 13 ans Ambroise Croizat), mais aujourd'hui en voie de démantèlement accéléré.

    Il est l'un de ceux où le caractère de "nouvel Ancien Régime" du système, avec (simplement) une aristocratie d'argent ou technocratique issue des grandes écoles en lieu et place du "sang bleu", est le plus flagrant.

    Un État construit au cours des siècles comme Empire d'une capitale, Paris, qui écrase politiquement, économiquement et culturellement tout le reste (la "province", la "ruralité") ; où chaque territoire est pour ainsi dire affecté à une activité économique, et de là, exploité-saigné au bénéfice de la Bourse.

    L’État français est la création, et l'appareil politico-militaire et idéologique sur le territoire qui est le sien ("Hexagone") de ce système installé à partir de la fin du Moyen Âge, pour triompher aux 18e-19e siècles, qu'on appelle le capitalisme.

    Il en partage aujourd'hui, comme le reste de la planète, la crise mondiale ; avec les particularités qui le caractérisent : celles, outre d'un État impérialiste qui étend sa domination criminelle sur une bonne partie du globe ("colllectivités"-colonies d'outre-mer, pays "indépendants" sur le papier de la Françafrique, participation active aux guerres du Moyen Orient et soutien au sionisme qui a son "député d'Israël", Meyer Habib, à l'Assemblée), d'un "Hexagone" lui-même "premier cercle d'Empire" ("colonial", si l'on veut) d'une capitale qui écrase tout ; d'un capitalisme (c'est le cas partout, mais de manière plus flagrante ici qu'ailleurs) qui est fondamentalement un "colonialisme" du Grand Capital, basé dans un Centre de pouvoir et d'accumulation (ici les quartiers d'affaires parisiens), sur le peuple, les peupleS de travailleurs. 

    Le mouvement des Gilets Jaunes, lancé en novembre 2018, tout en réclamant le droit élémentaire à ne plus être à découvert le 10 du mois, pose aussi ces questions ; il agite le drapeau tricolore de la prise de la Bastille et du 10 août 1792, mais voit aussi fleurir dans ses rangs les drapeaux "régionaux" qui disent cette volonté de "vivre, travailler et décider au pays", de ne plus subir les oukases de technocrates dans leurs bureaux parisiens, au service d'une Finance également parisienne.

    Un grand nombre de personnes ont tendance à pointer du doigt l'Union européenne comme source de tous les problèmes, et à lui opposer une prétendue "souveraineté française"... Mais la réalité, pour autant que nous puissions exécrer l'UE, est que c'est non sans un malin plaisir que l’État français s'est engagé dans cette construction super-étatique afin de renforcer encore cette dépossession de souveraineté, de tout pouvoir des citoyens sur leurs vies dans leurs territoires ; s'abritant dès lors derrière "ce sont les directives de Bruxelles (dans l'élaboration desquelles Paris prend toute sa part !), nous ne faisons qu'appliquer", et renouant de la sorte avec sa tendance séculaire à la concentration oligarchique du pouvoir.

    L'Union européenne n'est quelque part finalement, en ce sens, qu'une espèce de tendance à un super-État (super-concentration du pouvoir, super-dépossession des masses) centré autour du Nord-Ouest du continent, autrement dit, une sorte de "super-France" !

    2°/ Il faut remettre en marche la machine à souvenirs, à mémoire historique, qui est la première que brisent les dominants chez les dominés pour pouvoir les tenir sous leur coupe.

    [Lire : Contre-histoire véridique (anti-"roman" français) de notre région]

    Non, la féodalité n'était certes pas une période idyllique : il y avait des ordres, des positions sociales privilégiées par rapport à d'autres ; il y avait des famines, ou des épidémies qui pouvaient survenir "comme ça" sans que l'on ne puisse rien faire contre.

    Mais pour autant, sous le "poids" (largement exagéré depuis : aujourd'hui, rien que le taux d'exploitation du travail, ce que ne touche pas le travailleur de la valeur qu'il a produite, est infiniment supérieur à celui du paysan de l'époque...) des contributions et corvées (journées de travail) dûes à ces ordres "supérieurs", les villages, les paroisses organisaient leur vie quotidienne de manière DÉMOCRATIQUE, en assemblée sur la place ou dans une maison commune. Les "libertés" accordées (dans le rapport de force) aux communautés, aux territoires, par ces autorités féodales étaient partout : dans notre région même (sans aller chercher plus loin), au rempart nord de Lyon (la Croix Rousse) débutait le Franc-Lyonnais qui s'étendait le long de la Saône jusqu'à Genay (+ une enclave un peu plus au nord) et bénéficiait de ces "libertés" en tout genre (exemption de la taille et de la gabelle en échange d'un "don gratuit" de 3000 livres tous les 9 ans, mettant à contribution y compris les nobles...) jusqu'en 1789 ; la Dombes étant dans une situation un peu similaire de principauté quasi indépendante jusqu'au 18e siècle, etc.

    Plus loin, dans les Alpes autour de Briançon, "dépendant" officiellement du Dauphiné, s'étendait la petite république démocratique des Escartons ; et de fait, sans disposer d'un statut aussi officiel (charte écrite de 1343), la plupart des vallées alpines fonctionnaient de la même façon. Le Dauphiné qui commençait lui aussi aux portes de Lyon (Villeurbanne, Montchat, Gerland) et englobait l'Isère, la Drôme et les Hautes-Alpes ; rattaché à la Couronne parisienne en 1349 ; n'en était pas moins une province autonome dotée de ses propres institutions là encore jusqu'à la Révolution.

    La Savoie, elle, bien qu'épisodiquement assaillie et occupée par le grand voisin, était un État indépendant (avec le Val d'Aoste, le Piémont et Nice) jusqu'à sa vente comme un sac de patates, maquillée en "référendum", en 1860 ; et l'Ain (Gex, Bugey, Bresse jusqu'à Rillieux autrement dit là aussi aux portes de Lyon !) en relevait jusqu'à son annexion militaire au début du 17e siècle.

    Dans son cas comme auparavant dans les autres, les autorités pour privilégiées qu'elles étaient étaient des autorités LOCALES, autochtones, et ceci n'est jamais la même chose qu'un conquérant venu d'une capitale lointaine et qui ne s'est pas "déplacé" pour rien... (mais pour tirer profit, pour exploiter le pays conquis).

    La Révolution de 1789 a "balayé tout ça", tous ces "archaïsmes" ? FAUX ! C'est au contraire totalement dans cet esprit de "libertés" locales et provinciales que les Grenoblois défendirent leur Parlement du Dauphiné (pourtant repaire de "privilégiés") contre les troupes royales venues le démanteler, le 7 juin 1788, lançant le processus (Assemblée de Vizille etc.) ; et que furent rédigés les cahiers de doléances et élus les 578 représentants du Tiers État chargés de les porter aux États généraux l'année suivante (il est ainsi intéressant de se souvenir comment Robespierre, érigé depuis – et sans doute abusivement – en héraut du centralisme à outrance, faisait campagne à cette époque au nom de la... Nation artésienne) ; cet esprit qui présidera aux premières années de ladite Révolution et dans lequel, dira un siècle plus tard Engels, sera "puisée" la "force" de renverser une monarchie millénaire et de repousser les forces de l'Europe absolutiste entière coalisée ; cet esprit au nom duquel seront alors abolies les "libertés" locales "privilèges"... puisque c'était désormais la France entière qui était censée en bénéficier ; une France dans cet esprit que Paoli, qui avait lutté 15 années durant pour la liberté de son île, la Corse, puis payé cela de 20 ans d'exil, était prêt à rejoindre comme simple gouverneur d'une Corse simple département ; tout cela jusqu'au coup d’État rampant des "représentants en mission" de 1793-94, culminant dans Thermidor, qui remettra enfin ouvertement le nouvel État de l'aristocratie d'argent sur les "rails" de la continuité avec l’œuvre impérialiste parisienne de la monarchie absolue...

    Il est intéressant de lire à ce sujet le travail de notre brillant et regretté (décédé en 1992) compatriote arpitan, le mâconnais Henri Guillemin : Guillemin-SILENCE-AUX-PAUVRES-pdf  ; ou encore ces quelques extraits du militant anticapitaliste Daniel Guérin : La-revolution-francaise-daniel-guerin-pdf 

    Ceux qui aujourd'hui méprisent les "nostalgiques des seigneuries féodales" que nous serions, et se gargarisent de "la Révolution", ne sont en réalité pas les héritiers de celle-ci mais de ceux qui l'ont trahie et liquidée, pour (n'ayant pas "mis fin" à l'aristocratie mais simplement racheté ou confisqué ses richesses et ses pouvoirs) arracher au peuple la souveraineté que les évènements lui avaient fait toucher du doigt ! Qu'ils ferment un peu leurs bouches !!

    Bien sûr que nous ne sommes pas pour "faire tourner la roue de l'histoire à l'envers", "revenir au Moyen Âge" ou "au 18e siècle". Nous sommes au contraire des partisans et militants d'un MONDE NOUVEAU, et là où nous vivons, d'un Hexagone nouveau : un Hexagone où s'accomplisse enfin, tel que des centaines de milliers de Gilets Jaunes déterminés le demandaient en novembre et décembre (au plus fort de la mobilisation), la promesse de démocratie et de justice sociale de 1789, 1792, "envolée", "confisquée" alors tout simplement parce que les masses populaires n'avaient pas compris... le capitalisme, c'est à dire que renverser l'aristocratie "de lignage" et la monarchie autocratique verrait immédiatement celles-ci remplacées par ceux qui avaient les moyens financiers d'en racheter les biens et le pouvoir, pour reproduire à leur propre service les mêmes schémas de domination.

    3°/ Sur le plan politique, notre région compte deux forces essentielles allant un peu dans notre sens :

    - En Dauphiné, la jeune organisation Dauphiné Démocratique (apparue en 2018) prône un État français confédéral, donnant aux collectivités (communes et communautés de communes, départements, régions historiques – pas les techno-machins actuels) tous les pouvoirs qui ne nécessitent pas absolument d'être exercés par l'entité au-dessus, dans une démocratie participative vivante et permanente (référendum d'initiative populaire). En cela, et "paradoxalement" si l'on pense à l'acception actuelle du terme "jacobin", elle rejoint un peu l'esprit de la Constitution de 1793 (certes jamais appliquée), avec ses assemblées primaires, ses "autorités (départementales, d'arrondissement, municipales) élues par les administrés eux-mêmes qui, dans le cadre des lois générales de l’État, jouissaient d'une liberté complète" (Engels) ; et finalement d'une terre berceau (Journée des Tuiles à Grenoble, Assemblée de Vizille) d'une Révolution française qui se voulait à l'origine tout sauf centralisatrice à outrance... À la rigueur peut-on trouver, dans leur plateforme, que la question des langues historiques n'est que peu voire pas du tout abordée. À leur décharge, il faut dire que de toutes les régions tant occitanes qu'arpitanes, le Dauphiné "royal" à trois départements (Isère, Drôme, Haute-Alpes et même, à l'époque, tout l'Est lyonnais jusqu'au Rhône) est sans doute celle où ces langues sont le plus à l'article de la mort : même dans les Hautes-Alpes, les locuteurs naturels ne seraient plus que quelques dizaines et âgés d'au moins 80 ans, etc. Ils n'ont donc peut-être pas observé une réelle "demande" régionale, ni vu un thème mobilisateur en la matière. Pour autant, c'est bien dans ce type de projet politique qu'ils proposent – une véritable REPOSSESSION du peuple du POUVOIR sur ses destinées – que nous voyons la seule et unique clé pour sauver à temps ces langues dont le recul a accompagné (au contraire) la dépossession de la population de tout pouvoir et de toute vie démocratique locale ; les seuls efforts individuels ou de petits groupes (pour apprendre, parler, faire vivre par des initiatives culturelles) étant à terme insuffisants, comme trier ses déchets l'est pour sauver la planète. Leur perspective et la nôtre sont donc tout à fait compatibles.

    - Le mouvement savoisien, qui peut être de droite comme de gauche et va de l'autonomisme (création d'une région Savoie, déjà pour commencer...) à l'indépendantisme pur et simple. À seulement 70 km de Lyon par l'autoroute, se trouve en effet la frontière d'un pays qui il y a encore 160 ans n'était pas français ; annexé en 1860 par un référendum scandaleusement truqué qui ferait aujourd'hui passer Erdogan ou Assad pour de scrupuleux démocrates. L'on peut citer, comme organisations ou collectifs intéressants pour s'informer de la situation et des revendications, le Mouvement Région Savoie (ici sur Facebook), "Les Voix de Savoie" du Mouvement Citoyens de Savoie, La Voix des AllobrogesSavoie Libre/Savouè Abada, la Confédération Savoisienne, l'État de Savoie, Savoie Libre Antifa etc. ; bref une assez impressionnante floraison d'initiatives. Nous soutenons absolument toutes les affirmations du droit à l'autodétermination de ce peuple annexé.

    En septembre 2013 avait été rendu public un appel à "l'indépendance d'une Fédération arpitane" (ou à défaut, à rejoindre "l'Arpitanie déjà libre" = la Suisse dans sa partie romande) : Charte-de-l.pdf, par un Mouvement pour l'Indépendance de l'Arpitanie dont on ne retrouve plus guère trace depuis, mais très vraisemblablement basé sur le versant "italien", en Vallée d'Aoste ou dans les vallées arpitanophones du Piémont.

    D'autre part, en Auvergne désormais rattachée à Rhône-Alpes dans un de ces nouveaux techno-machins tremplins pour ambitions parisiennes (bien que celles de notre "cher" président Wauquiez, depuis les élections européennes de fin mai, soient quelque peu réduites en miettes...), et elle aussi armée d'un passé national brillant (avant qu'un conflit avec François Ier ne conduise en 1523 au démantèlement de l'"Empire bourbonnais" – qui englobait aussi le Forez, le Beaujolais et la Dombes – semi-indépendant de l'époque), ainsi qu'en Vivarais (Ardèche), commencent à se trouver des militants occitanistes, militants là encore autonomistes ou parfois indépendantistes de l'affirmation nationale de ce grand ensemble où sont parlées les variantes régionales de la langue d'òc. Nous leur tendons également (et évidemment) la main, étant donné l'occitanité du quasi tiers sud de notre ancienne région et, de fait, d'une bonne moitié de la nouvelle.

    4°/ Ces deux (et même trois) types de forces ne partagent pas forcément (lorsque l'on regarde leurs références et leurs modèles) notre vision de la nécessité d'en finir avec le capitalisme, comme indissociable de la libération ("décolonisation") et de la reconquête démocratique des territoires qu'elles revendiquent comme nous.

    Pour autant, elles n'en indiquent pas moins quelles sont les deux grandes "options" de notre programme politique :

    - Une France complètement nouvelle, révolutionnée de fond en comble, littéralement (vu comment elle fonctionne depuis des siècles) "retournée comme un gant" ; organisée sur les bases qui sont celles du programme de Dauphiné Démocratiquesubsidiarité c'est à dire le pouvoir premier au local, à la Commune, à l'"assemblée primaire" (comme disait la Constitution de 1793), cadre premier de l'expression de la volonté générale ; et délégué du bas vers le haut (l'échelon "inférieur" délègue au "supérieur" ce qu'il n'est pas en mesure d'assumer à son niveau) et non l'inverse (l’État central qui accorde aux collectivités les prérogatives et les moyens qu'il veut bien...) ; démocratie participative permanente (et pas on élit des gens pour 5 ou 6 ans durant lesquels ils n'ont aucun compte à rendre, et au bout de ce laps de temps on vote à nouveau pour les "moins pires" c'est à dire souvent les mêmes...) ; mais tout cela, de notre point de vue, dans le cadre et à la condition (en fait) d'un renversement révolutionnaire du capitalisme (sans quoi ça ne peut pas fonctionner : dans aucun pays capitaliste en réalité, même prétendument "fédéral" ça ne fonctionne réellement ainsi, sauf peut-être l'"exception" suisse, et encore – et dans un système qui prive 22% d'étrangers corvéables à merci de toute citoyenneté, de toute façon).

    OU ALORS

    - Comme certaines organisations savoisiennes ou occitanistes, si cela n'est pas possible, séparation d'avec l’État français.

    Oui... Selon des modalités qui seront étudiées en temps voulu, démocratiquement, et que nous n'avons (bien évidemment) pas la prétention de "vendre clés en main" : il est probable (vu sa légitimité historique "forte", la force de sa conscience nationale du fait de l'annexion récente) que la Savoie devienne son propre État savoisien ; à voir dès lors si et comment s'organise une Arpitanie confédérale autour et quelles seront exactement ses entités ; s'il y aura un Dauphiné trilingue (français qu'on ne fera pas disparaître, arpitan et occitan vivaro-alpin) ou si chaque partie (arpitane et occitane) rejoindra sa propre confédération ; si l'Auvergne et l'Ardèche (Vivarais) souhaiteront rester liées à l'aire arpitane ou rejoindre une Confédération occitane, etc.

    Mais, quoi qu'il en soit, nous envisagerons bel et bien de retrouver nos "libertés" de jadis, à un niveau supérieur c'est à dire comme accomplissement des rêves (brisés, piétinés) de démocratie et de justice sociale de nos ancêtres lanceurs de tuiles et rédacteurs de cahiers de doléances de 1788-89 (ou des "matchs retours" eux aussi hélas perdus de 1848 ou 1871), dans la rupture avec la capitale qui nous domine depuis des siècles, avec l’État qui nous a annexés ; sachant que celui-ci n'a chez nous même pas la légitimité de ses mythes "nationaux" les plus usés jusqu'à la corde, comme par exemple la "Francie occidentale" du 9e ou 10e siècle (censée être "déjà la France" : absurde...) puisque la région Rhône-Alpes se trouvait alors en intégralité (Savoie, Lyon, futur Dauphiné, Ain, Loire, Ardèche : tout) à l'extérieur de ses frontières, "royaume d'Arles ou de Bourgogne", "terre d'Empire" (ce n'est pas, encore une fois, que nous soyons obsédés par les "légitimités" médiévales, mais on remarquera qu'à ce jour les seuls à s'en réserver une espèce de monopole et à en user et abuser – Clovis, Charlemagne, Partage de Verdun 843, "Saint" Louis IX, Jeanne d'Arc etc. etc. – tout en se moquant de leur usage par les autres, sont précisément l’État français et ses défenseurs acharnés...).

    Si nous sommes "français" comme le sont les Provençaux, les Languedociens et autres Auvergnats, les Bretons, les Corses ou encore les Basques, les Franc-Comtois ou les Alsaciens, c'est bel et bien parce que les territoires où nous habitons ont à un moment donné été CONQUIS, ANNEXÉS par une monarchie parisienne entourée de sa cour d'aristocrates et (déjà) d'oligarques bourgeois locaux, afin de les soumettre à son accumulation de richesses.

    TELLE EST LA RACINE HISTORIQUE, qu'il ne faut pas avoir peur d'affirmer, de tous les problèmes de "relégation des territoires" contre lesquels se dressent depuis novembre les Gilets Jaunes et sur lesquels (en réaction paniquée) se penchent les "experts" de tout poil pour étaler leurs "solutions" foireuses.

    Et si (telle est la vérité historique) la "Nation française" a été proclamée en 1789 par les représentants du peuple les plus démocratiquement élus (de la manière la plus participative etc.) jusqu'alors et peut-être depuis, c'était dans la promesse de la fin de cet IMPÉRIALISME sur la "province" que représentait l’État monarchique absolutiste.

    Mais, dès lors que la nouvelle aristocratie capitaliste s'est assise dans les fauteuils de l'ancienne, il n'en a pas été ainsi et tout a continué comme auparavant.

    Où est, dès lors, le "contrat social" censé fonder (dans la mythologie de 1789 et de la "Républiiiique") cette "Nation" ? Nulle part. Déchiré, piétiné (comme d'ailleurs les promesses faites aux Savoyards lors du rattachement en 1860). La "Nation française" n'existe que parce que cette identité "nationale" a été enfoncée dans les crânes à coups de marteau, voire par la torture infantile à l'école de Jules Ferry, dans la propagande militariste fanatique d'une guerre après l'autre ou dans une petite place au festin de l'exploitation d'autres peuples encore (Empire colonial, aujourd'hui Françafrique...) ; en laissant malgré tout subsister un sentiment diffus que "quelque chose ne tourne pas rond", probablement à l'origine de cette réputation de "râleurs"/"contestataires" qu'ont les Français à travers le monde.

    Aujourd'hui nous voyons les "beaufs" réputés les plus "vautrés dans leur fauteuil" et avalant tout ce qu'on leur dit (pour le recracher en propos de comptoirs réactionnaires), moqués pour cela par l'intelligentsia "de gauche" Libé-Charlie, commencer à comprendre ce qui effectivement "ne tourne pas rond" – EN MASSE, par millions...

    Donc oui : l'option "indépendance" de nos territoires où s'accumule la désespérance est bel et bien sur la table. Nous l'assumons, aussi "utopique" qu'elle puisse paraître à l'instant où nous écrivons ces lignes.

    Là aussi, encore une fois, dans le cadre d'un renversement du capitalisme, de manière indissociable, car nous croyons et faisons nôtres ces mots du grand révolutionnaire irlandais James Connolly : "Si dès demain vous chassiez l’Armée anglaise et hissiez le drapeau vert sur le Château de Dublin, à moins que vous ne proclamiez la République socialiste, vos efforts auraient été vains. L’Angleterre continuerait à vous dominer. Elle vous dominerait par l’intermédiaire de ses capitalistes, de ses propriétaires fonciers, de ses financiers, de toutes les institutions commerciales et individualistes qu’elle a plantées dans ce pays et arrosées des larmes de nos mères et du sang de nos martyrs".

    "Utopique" peut-être ; susceptible à l'heure actuelle de "faire" même pas 1% des voix à une élection, sans doute ; mais en ceci consiste précisément la politique : gagner à des IDÉES JUSTES, à la NÉCESSITÉ HISTORIQUE de l'époque (idées qui sont toujours archi-minoritaires au départ...), une MAJORITÉ DÉMOCRATIQUE

    Combien de sujets du Royaume de France auraient "voté" pour la Révolution, la République ou même une monarchie constitutionnelle en 1780 ? Combien de Catalans étaient pour l'indépendance il y a à peine 15 ou 20 ans ?

    Notre objectif est de militer pour rallier, à tout ce que nous sommes en train d'exposer dans ce Manifeste, une majorité populaire. Ce qui, en ce milieu d'année 2019, nous semble en réalité moins "utopique" que jamais ; tant ce dont nous parlons rejoint, profondément, les aspirations exprimées par le plus grand mouvement populaire depuis Mai 68 : marre des décideurs dans leur tour d'ivoire, volonté ardente d'"être écoutés", d'avoir "voix au chapitre", et bien sûr de "vivre et travailler dignement au pays". 

    Nous pourrons alors peut-être, par exemple, à l'initiative des citoyens et avec peut-être l'appui d'une représentation élective locale en majorité acquise, organiser une ou des consultation(s) populaire(s) quant à l'avenir institutionnel des pays de notre région, comme cela s'est fait en Catalogne – d'autres, dans l’État français, nous auront peut-être précédés dans cette voie, c'est tout sauf improbable en Corse, notamment...

    À voir alors quelle sera l'attitude de Paris : bien meilleure que celle de Madrid dans le "dossier" catalan ? Pas sûr...

    Ce que nous voulons est simple : TOUT LE POUVOIR AU PEUPLE.

    Et nous l'obtiendrons, soit dans les républiques fédérées d'un Hexagone où tous les peuples auraient tout le pouvoir, soit dans des républiques de pouvoir populaire séparées d'un État parisien qui serait malheureusement resté tel qu'il l'est aujourd'hui.

    [Pour illustrer ce projet politique qui est le nôtre, l'on pourra peut-être aussi vous inviter à lire cet excellent texte d'il y a plus de 70 ans, dans le contexte de la lutte contre le régime fasciste de Mussolini (centralisme napoléonien ultra...), de nos frère du versant "italien" : la Déclaration de Chivasso (décembre 1943).]

    5°/ LES LANGUES HISTORIQUES (chez nous, variantes de l'arpitan dit aussi "francoprovençal" ou "langues alpines", variantes occitanes dites "vivaro-alpines", occitan auvergnat en Auvergne avec influence en Ardèche et sur les rebords sud et ouest de la Loire/Forez, lire : Francoprovençal & Occitan en Rhône-Alpes - étude.pdf)

    Patrimoine de l'humanité auquel le récent incendie de Notre-Dame de Paris a donné l'occasion de comparaisons évocatrices : Grosclaude-Notre-Dame langues-de-france-cathedrales-oubliees-feltin-palas RPS-notre-dame-de-paris-brûle-mais-c-est-notre-patrimoine-tout-entier-qui-part-en-fumée ; elles sont les victimes collatérales de tout ce processus que nous venons de décrire.

    Parce que l’État français, posé comme Empire parisien au carrefour de l'Europe sur la base d'un mythe des "frontières naturelles" (Alpes, Pyrénées, Rhin), avec des cultures et des langues (ou familles linguistiques) partagées par des parties de grands États voisins et pouvant servir à ceux-ci de prétexte à des revendications territoriales (comme cela s'est produit et effectivement réalisé, un temps, avec l'Alsace-Moselle annexée par l'Empire allemand...), est historiquement obsédé par cette menace du dépeçage, du "vol" par d'autres de ces territoires que Paris exploite ; encore aujourd'hui avec le développement d'"euro-régions" économiques qui profiteraient aux États voisins (pour "amis" qu'ils soient dans le cadre de l'UE) et non à la capitale (dernièrement, un accord traitant du développement de l'"euro-région" économique entre Alsace, Lorraine et Allemagne et du bilinguisme franco-allemand dans ces régions – où énormément de personnes traversent la frontière pour travailler – a été dépeint par certains courants "souverainistes" comme une "vente" de ces régions à Berlin, pour dire le niveau d'hystérie encore bien vivace...).

    Parce que, aussi, dès lors qu'elle a remplacé la vieille aristocratie "de sang", l'oligarchie capitaliste a voulu "souder" les nouvellement proclamés "citoyens" à ses intérêts, non seulement de défense (et d'expansion...) territoriale mais aussi économiques en général, en leur imposant sa culture, cette culture et sa langue, le français académique, au départ conçues pour être l'apanage d'une élite : "quand ils (les classes populaires) parleront comme nous (les bourgeois), ils penseront comme nous et ne bougeront que dans les limites que nous leur fixerons" comment-les-langues-du-peuple-ont-ete-rendues-illegitimes ; parce que comme nous l'avons dit, dès lors qu'il n'a pas été possible de "faire Nation française" comme engagement commun dans un projet politique démocratique et émancipateur ; comme cela a pu être le cas en Suisse (qui n'est pas un "modèle" pour nous aujourd'hui, mais qui a effectivement longtemps été l’État capitaliste le plus démocratique possible), où 4 langues standards (français, allemand, italien et romanche) et X dialectes (arpitans, d'oïl pour le jurassien, alémaniques, nord-italiens au Tessin) encore largement parlés (surtout dans la partie alémanique et au Tessin) n'ont jamais empêché le commun et fier sentiment d'appartenance helvétique ; il a alors bien fallu le faire... comme aliénation soumise et "heureuse" à l'oligarchie parisienne et ses projets, en anéantissant chez les groupes nationaux réels (occitans, arpitans, bretons, corses, basques, etc.) toute conscience nationale autre que d'être les bons petits soldats de la "Patrie" tricolore.

    [Lire aussi, en ayant bien à l'esprit que ces langues "symbolisaient" avant tout la paysannerie et son mode de vie : l'invention-du-capitalisme-comment-des-paysans-autosuffisants-ont-ete-changes-en-esclaves-salaries-pour-lindustrie-par-yasha-levine]

    Parce que, enfin, depuis le milieu du siècle dernier, la capitalisme à son stade terminal de "société de consommation" a brisé, laminé, dissous dans la juxtaposition d'individualités pures esclaves du salariat et de la consommation à crédit (homo consumens universalis, "Cité des Spectres") la communauté populaire (ouvrière et paysanne) qui les faisait encore vivre, en dépit de tout le volontarisme répressif d’État (à l'école ou autre), et ne raisonnait pas en termes de "ça ne sert à rien ces trucs".

    Il est tout à fait possible d'entendre l'argument que la République, pour fonctionner et être "solide" face à l'Europe absolutiste, avait besoin d'une langue véhiculaire d'intercompréhension entre les diverses populations qui l'habitaient ; et en effet pourquoi pas le français, déjà langue officielle sous la monarchie, largement répandu en Europe et bien codifié ; d'autant que celui-ci n'était pas (en réalité) "le dialecte d'oïl de Paris" mais une langue construite et "composite" qui a beaucoup intégré des autres du royaume (notamment de l'occitan, prestige de la langue des troubadours oblige)... Sans que, comme l'allemand standard chez nos voisins allemands ou suisses, cela ne conduise nullement à la disparition des dialectes populaires locaux ; toujours parlés dans la vie quotidienne tout en utilisant la langue standard à l'écrit et dans la communication avec des gens d'autres régions (ou des germanophones étrangers qui ne connaissent évidemment pas chaque dialecte). Mais il ne s'est, dès l'époque révolutionnaire et encore plus lors de la "grande imposition" linguistique de la 3e République (1870-1940), pas agi de cela – mais bien de tout ce que nous venons d'exposer.

    Voici comment ce patrimoine extraordinaire, ces langues parlées par nos ancêtres depuis plus d'un millénaire, sont entre le 19e siècle et aujourd'hui arrivées au seuil de la disparition. Alors que, sans vouloir nous faire les avocats d'un État capitaliste plutôt qu'un autre, les dialectes germaniques en Allemagne et en Suisse, italiques ou gallo- (nord-) italiques et autres (frioulan, occitan, arpitan du Val d'Aoste, sarde) en Italie, les langues de l’État espagnol (catalan, basque, galicien, asturien etc.) sont encore bien vivantes dans le quotidien populaire sans poser nul problème de cohabitation avec une lingua franca d’État (allemand standard, "italien" toscan, "espagnol" castillan) ni avec l'apprentissage de la langue internationale qu'est l'anglais, et d'autres encore (bien que dans ces pays aussi, on puisse parfois observer chez les plus jeunes générations un certain recul dans le contexte de l'homo consumens universalis)... Si la situation des langues populaires historiques face à la langue officielle d’État, en France, évoque quelque chose, c'est plutôt la situation dans un État aussi "démocratique" que la Turquie !

    Et face à cela, qui est donc la résultante de tout ce que nous venons de voir, la solution encore une fois est POLITIQUE.

    Elle est dans l'une ou l'autre des deux "options" qui sont les objectifs alternatifs de notre lutte.

    Admirables sont les personnes qui s'efforcent de faire vivre ces langues, de les réapprendre lorsqu'elles ne leur ont pas été transmises par leurs familles, de collecter ce qu'il en reste chez les derniers locuteurs maternels encore en vie, dans les noms de lieux etc. etc. Tout ceci est absolument nécessaire, indispensable, mais hélas non-suffisant.

    C'est au fond la même chose que les initiatives et pratiques individuelles au service de l'environnement (trier ses déchets, consommer bio etc.) : c'est bien, très bien même, si on en a la possibilité (ce qui n'est pas donné à tout le monde : premier problème) ; mais ce n'est que faire (un peu) barrage au problème... et non arrêter, couper à la source (la folie capitaliste, là encore) son torrent dévastateur.

    Sauver les langues historiques au bord de la disparition ne peut être possible que porté par une POLITIQUE DE PUISSANCE PUBLIQUE ; et bien évidemment, une puissance publique aux mains (ou à portée de main, du moins) de celles et ceux qui veulent les sauver, et non de ceux qui veulent les détruire – ce qu'est l’État français et ses gouverneurs locaux.

    Il suffit pour s'en convaincre de regarder quelques données chiffrées aussi factuelles que celles-ci : http://ekladata.com/Gnf-bas@500x889.png. L'État dépense, en moyenne, 139 € par habitant pour la culture en région parisienne, et... 15 € en "province" ; et de ceux-ci, combien pour les cultures et les langues "régionales", historiques de chaque territoire ? Quelques centimes, sans doute, grand maximum...

    Leur quasi-disparition n'est pas l'unique problème que connaissent nos territoires, et sans doute, pas celui qui apparaît le plus urgent aux classes populaires qui les habitent ; mais elle en est bel et bien un, UNE PARTIE du grand problème général, qui trouvera sa solution dans la grande solution générale pour laquelle nous luttons : que le peuple, LES peupleS, reprennent le pouvoir sur leurs vies !


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